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« Pour Israël, Gaza incarne le “corps” ennemi qu’il faut détruire »

Peter Harling est le fondateur et directeur de Synaps, un centre de recherche spécialisé dans les questions économiques, environnementales et technologiques, basé à Beyrouth. Il vit depuis vingt-cinq ans au Moyen-Orient, où il a travaillé, entre autres, en tant que chercheur et conseiller des Nations unies.
Le processus est loin d’être achevé ! Outre les bombardements à venir, il y aura des démolitions contrôlées, la restructuration du territoire dans une logique sécuritaire et une reconstruction dont chaque modalité sera âprement négociée. Historiquement, la destruction intégrale d’une ville est un phénomène inhabituel en période de guerre. On peut penser au sac de Rome par les Wisigoths en 410, au pillage de Constantinople par les croisés en 1204 ou, plus récemment, au « viol de Nankin » [en Chine] par les Japonais, entre décembre 1937 et février 1938. Il s’agit alors de détruire la civilisation adverse. Culturellement, cette notion est associée à l’idée de barbarie : la conquête vise à détruire et non à régner.
La destruction des villes intègre le répertoire ordinaire de la guerre à partir des années 1940. L’Allemagne nazie bombarde les villes anglaises pour saper le moral adverse [lors du Blitz, du 7 septembre 1940 au 21 mai 1941]. Les Alliés anéantissent Caen par surprise [l’été 1944], sacrifiant les civils à des objectifs militaires. Les villes allemandes comme Dresde [en février 1945] subissent un déluge de feu pour maximiser la souffrance du peuple. A Hiroshima [le 6 août 1945], les Etats-Unis auraient pu se contenter de dévoiler leur capacité nucléaire : mais ils ont réglé la bombe pour qu’elle explose à l’altitude qui créerait le plus de dégâts possible. La guerre contre Gaza s’inscrit dans cette lignée de guerres où la ville n’est plus un champ de bataille, mais une cible.
Avant Gaza, il y a eu Fallouja, en Irak, ravagée par l’armée américaine, en novembre 2004 ; Alep, en Syrie, écrasée sous les bombes du régime [de Bachar Al-Assad], entre 2012 et 2016 ; et puis [les villes irakienne et syrienne de] Mossoul et Rakka, largement détruites au cours de la guerre contre l’[organisation] Etat Islamique, entre 2016 et 2017. Il y a d’autres exemples encore, comme le camp palestinien de Nahr El-Bared, au Liban, presque intégralement détruit, lui aussi, en 2007. La destruction de Gaza s’insère dans un processus d’urbicides au Moyen-Orient.
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